À la recherche d’Annie Ernaux

À la bibliothèque

« Depuis que j'ai appris à lire à six ans, j'ai été attirée par le mot écrit, par tout ce qui était à ma portée de compréhension. »

Annie Ernaux

(https://www.annie-ernaux.org/fr/22-2/)

À la bibliothèque de Cergy, deux étudiantes de l'université de Stuttgart ont effectué des recherches sur l'œuvre et la vie de l'auteure et lauréate du prix Nobel, Annie Ernaux. Annie Ernaux est une personnalité impressionnante dans le domaine de la littérature française. Elle a non seulement étudié et enseigné le français, mais a aussi travaillé dans la recherche. Son amour profond pour les livres lui a été transmis par sa mère, bien qu'enfant elle ne pouvait pas lire tous les livres et devait en savourer certains en secret. Les livres ont toujours accompagné la vie d'Ernaux – des livres pour enfants aux livres scolaires et universitaires, jusqu'à ses propres œuvres littéraires et les ouvrages écrits sur elle.

Notre objectif était d'utiliser la bibliothèque comme une interface entre la littérature et la science, afin de découvrir l'étendue de la littérature primaire et secondaire sur Annie Ernaux. En tant qu'étudiantes en langues et en littérature, les bibliothèques sont pour nous des lieux indispensables d'apprentissage et de recherche. "De la même manière que les informaticiens s'assoient devant leur ordinateur, les spécialistes de la littérature s'assoient dans les bibliothèques." Et ainsi, nous nous sommes demandé si nous pouvions trouver des traces, des faits intéressants ou autres dans la bibliothèque de la ville d'adoption d'Annie Ernaux. La raison pour laquelle nous avons choisi ce lieu de recherche est que Cergy est devenue la ville d'adoption actuelle d'Ernaux. Étant donné que les étudiantes habitaient à Stuttgart, il fallait qu’elles contactent la bilbliothèque de Cergy par mail en avance.

Le 05/02/2024, deux étudiantes de Stuttgart se sont présentées à la bibliothèque universitaire de Cergy. Elles ont expliqué qu'elles souhaitaient visiter la bibliothèque. Elles ont été accueillies avec étonnement et mécontentement. Après plusieurs négociations, elles ont obtenu la permission de visiter la bibliothèque, à condition de demander une carte de bibliothèque pour visiteurs et de s'identifier. Il leur a été également précisé qu'elles ne pourraient pas emprunter de livres.

Le 23/02/2024 à 11 heures, les deux étudiantes de Stuttgart sont entrées dans la bibliothèque universitaire de Cergy à la recherche de témoignages sur l'auteure Annie Ernaux. Enthousiastes, les femmes transies de froid se sont dirigées vers l'accueil. L'entrée de la bibliothèque s'est faite par une porte vitrée et des portiques détecteurs de métaux. Le bibliothécaire à l'accueil a demandé aux étudiantes si elles connaissaient leurs droits. Il leur a expliqué qu'elles ne pouvaient pas utiliser le WiFi, ni emprunter des livres, mais qu'elles pouvaient visiter la bibliothèque. Les étudiantes ont constaté que par "droits", il semblait entendre "absence de droits".

La bibliothèque s'est étendue sur deux étages. Chacune des étagères a été étiquetée ; même la salle de photocopie a été étiquetée. Il y avait des tables avec des espaces de travail individuels et des ordinateurs, ainsi que des canapés, des coins salons et des poufs. La bibliothèque dégageait une chaleur et une atmosphère agréable.

Après deux heures passées dans la bibliothèque, les deux femmes, désormais "lectrices extérieures" selon leur carte, ont fait des découvertes étonnantes : elles ont trouvé de nombreuses œuvres, ainsi que de la littérature secondaire sur Ernaux. En fait, y compris les articles de journaux disponibles en ligne de et sur Ernaux, il y avait un total de 500 œuvres sur l'auteure vivant à Cergy. Ce nombre correspondait exactement aux sources disponibles dans la même bibliothèque sur et à propos de Molière. Quel honneur d'avoir été représentée aussi largement que cet acteur et dramaturge classique bien plus connu !

Après trois heures dans la bibliothèque, les deux jeunes femmes, assises sur le tapis bleu entre les étagères en bois massif, ont discuté de leurs résultats avec excitation à voix basse. Pendant que la pluie frappait doucement les vitres des fenêtres du premier étage, empêchant la lumière grise de ce jour gris de pénétrer dans la bibliothèque, un jeune étudiant en mathématiques à l'air désespéré leur a demandé de faire moins de bruit car il ne pouvait pas se concentrer sur ses équations.

Après avoir passé quatre heures à chercher, trouver et systématiser des œuvres de et sur Annie Ernaux, elles se sont glissées dans la salle de photocopie pour y déguster en secret des noix et des pommes, cachées dans un coin. Une étudiante entrant dans la salle à ce moment-là a souri et a demandé du papier. Une autre les a regardées d'un air dédaigneux, a fait ses copies et s'en est allée sans un mot.

Cela n'a pas gâché l'humeur des deux étudiantes. Leurs découvertes sont devenues de plus en plus intéressantes et un tableau complexe s'est dessiné. Elles ont poursuivi leurs recherches sur deux niveaux. Elles ont consulté les œuvres d'Annie Ernaux dans la bibliothèque et ont constaté que, comme prévu, il y en avait beaucoup.

En chemin vers la bibliothèque et en retournant à l'hôtel, elles ont mené également une enquête par échantillonnage auprès des habitants de Cergy. Elles se sont adressées à des personnes de tous âges, hommes et femmes, et leur ont demandé si le nom d'Annie Ernaux leur disait quelque chose. Le résultat a été surprenant.

Sur 44 personnes interrogées, il n'y a que 5 personnes qui savent qui est Annie Ernaux et qu'elle vit dans la même ville, à Cergy. Ce sont 4 lycéens qui connaissent le nom de la lauréate du prix Nobel parce qu'une aile du lycée porte son nom. Cependant, ils n'ont rien lu d'elle. Le seul expert en Ernaux à Cergy semble être le bibliothécaire, qui admet avec un mélange de fierté visible et de gêne avoir lu les œuvres d'Ernaux. Lorsque les deux étudiantes lui demandent des titres, il répond simplement qu'il ne s'en souvient plus, mais que c'était un livre mince…

Qu'il ne soit pas la seule personne à avoir lu les "livres minces" d'Ernaux devient évident lorsque les deux étudiantes consultent les registres de retour des livres individuels.

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