Au XVIIᵉ siècle, la France connaît une institutionnalisation rapide du théâtre. Des bâtiments théâtraux sont construits et la scène devient elle-même un espace d'expérimentation: différentes sciences et différents arts interagissent pour produire sans cesse de nouveaux effets sur la scène. Si l'on voulait résumer les aspirations des acteurs du théâtre en une formule, on pourrait résumer leur objectif comme suit:

Dynamisation des corps et esthétisation de la machine

Les possibilités offertes par l'espace font naître un nouvel art dramatique qui met le corps en mouvement plus qu'auparavant, afin de mieux réaliser des actions sur scène, mais aussi dans les airs. Le corps entier investit l'espace théâtral. La machinerie créée à cet effet ouvre à l'acteur le ciel et l'enfer comme troisième dimension. Les machines nécessaires sont enrobées, voilées, dissimulées et cachées jusqu'à devenir méconnaissables derrière une peinture de la scénographie. Il en résulte des œuvres d'art totales impressionnantes, qui trouvent leur parallèle dans les fêtes de cour contemporaines somptueusement aménagées. Il ne s’agit plus de simplement comprendre le spectacle, c'est désormais le plaisir de regarder qui est au centre:

Persée: «La Raison est complice des yeux» (Andromède, acte I, scène 1).

Le spectacle nécessite une grande machinerie, que nous retrouvons sous forme de représentations de machines individuelles, mais aussi sous forme de dessins, qui nous donnent un aperçu intéressant de l'«avant-scène» et de l'«arrière-scène», puisque le mode de fabrication des machines est également consigné dans les différents dessins.

Per Bjurström: Giacomo Torelli and Baroque Stage Design. Stockholm 1961, p. 57.
Gabriel Dumont: Vue perspective de la mécanique, et construction d’un intérieur de théâtre, in: Parallèle des plans des plus belles salles (1674).

Per Bjurström: Giacomo Torelli and Baroque Stage Design. Stockholm 1961, p. 57.

Gabriel Dumont: Vue perspective de la mécanique, et construction d’un intérieur de théâtre, in: Parallèle des plans des plus belles salles (1674).

Le théâtre mécanique n'est donc pas un théâtre parlé ou déclamé. Il propose plutôt des changements de décor surprenants, des effets de lumière et de bruit, il intègre de la musique et montre des vols, des mouvements marins ainsi que des transformations de corps. Tout ce qui n'est pas visible à l'œil nu est attribué à une force supérieure. En conséquence, les thèmes sont souvent tirés de la mythologie antique, qui offre une riche palette de thèmes de magie, de sortilèges et de dieux puissants. Le mythe de Persée, de Méduse et d'Andromède, en particulier, propose quelques intrigues étonnantes, comme des vols (sur scène), la pétrification ou tout simplement un monstre flottant. Les effets sont rendus possibles par une machinerie opulente qui prévoit de la place pour les appareils des métamorphoses ou des dragons et des monstres, aussi bien au-dessus de l'espace visuel que sous la scène, accessible par une trappe. La représentation de Gabriel Dumont donne une bonne idée de ce à quoi pouvait ressembler le 'squelette' du théâtre.

La Machinerie theatrale

Afin de susciter l'étonnement des spectateurs, les lois de la nature paraissent être suspendues lors de la représentation. De telles capacités n'étaient jusqu'alors attribuées qu'aux magiciens: l'eau ou le feu sur scène, les dragons qui nagent ou qui volent, les apparitions du diable sous la forme du procédé diabolus-ex-machina, les métamorphoses telles que les transformations ou la pétrification, et même les corps volants ou les chars en font partie. Les procédés techniques sont tous développés au XVIIᵉ siècle sur la base de la scène en perspective italienne.

L'admiration pour le machinisme vise d'abord la 'figure-machine' du roi et ensuite les œuvres qu'il a commandées. Dans l'art, dans le jardin de Versailles et sur la scène, le roi est célébré comme une allégorie du dieu solaire Apollon. La célèbre fontaine d'Apollon à Versailles est indubitablement un modèle pour certaines machines d'Apollon sur scène.

Brunnen in Versailles
Artiste: Jean-Baptiste Tuby [1635–1700]: Vue du parc: bassin d’Apollon: Le char d'Apollon (surgissant de l’onde face au soleil levant, tiré par quatre chevaux fougueux et entouré de quatre tritons soufflant dans des conques et de quatre poissons fantastiques). 1668–1670 ; nº d’inventaire: inv1850 n°9137. Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon ; Copyright: bpk | RMN - Grand Palais | Gérard Blot.

Comparable à la fontaine de Versailles, on voit dans différentes pièces à machines Apollon ou le soleil voler sur un char au-dessus de la scène, comme dans Andromède. Sa silhouette imposante et, la plupart du temps, la couronne de rayons entourant sa tête caractérisent le personnage au théâtre.

Apollon dans son char céleste, tiré par quatre chevaux
le char d'Apollon

Dessin de Jean Bérain: Apollon dans son char céleste, tiré par quatre chevaux (1700–1705), 32,4 x 8 cm, in: Recueils des Menus Plaisirs du roi, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV, N° notice: MP-00199 ; Série Fonds de la Maison du roi sous l'Ancien Régime (sous-série O/1); Numéro d’inventaire CP/O/1/3239, Nr. 71. Recueil de décorations de théâtre recueillies par Monsieur Levesque, garde général des magasins des Menus Plaisirs de la Chambre du Roy, Tome II, Paris, 1752.

Projet de Jean Bérain pour le char d'Apollon, 24,4 x 32,5 cm ; probablement pour le prologue d’Aricie (livret de l'abbé Pic, musique de La Coste), tragédie en musique créée à Paris, le 9 juin (?) 1697, in: Recueils des Menus Plaisirs du roi, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV ; numéro d’inventaire: MP-00738, Cote: CP/O/1/3242/B/2, nº 69.

Tant le théâtre à machines que l'opéra utilisent leur prologue respectif pour rendre hommage au roi. Comme nous l'avons mentionné, l'éloge suggestif du Roi-Soleil est généralement fait par un char avec Apollon, comme c'est le cas dans Andromède. L’esquisse suivante de Jean Bérain (vers 1697) fait référence à la célèbre fontaine d'Apollon de Versailles de Jean-Baptiste Tuby. Le char est suspendu à des cordes et se déplace vers le bas ou sur le côté. Ce qui est important, c'est la couronne de lumière (le halo) que le dieu du soleil porte sur la tête: avec ses bougies, la couronne de rayons éblouit délibérément les spectateurs du théâtre, de sorte qu'ils ne voient pas l'appareillage que nous voyons sur le deuxième dessin.

Projet de Jean Bérain pour Le char d’Apollon, 22,9 x, 37,1 cm ; probablement pour le prologue d’Aricie (livret de l'abbé Pic, musique de La Coste), tragédie en musique créée à Paris, le 9 juin (?) 1697, in: Recueils des Menus Plaisirs du roi, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV ; numéro d’inventaire: MP-00396, Cote: CP/O/1/3241, nº 39.

Comme le montre déjà l'exemple d'Apollon, les chars volants devaient être justifiés par l'action et il fallait cacher le mécanisme. Il était plus facile d'envelopper le mouvement des cordes au moyen d'un nuage ou d'un véhicule. Pour cela, les moyens de déplacement connus à l'horizontale comme les chars et les chevaux étaient utilisés à la verticale. L'importance des cavaliers, des chars et des chevaux pour le mouvement horizontal et vertical représenté sur scène provient d'une part de l'idée des chars, qui représentaient la chevalerie des courtisans, et d'autre part de la symbolique des chevaux nobles, importante pour la noblesse. La machine de guerre et l'esthétique se retrouvent dans la représentation des chevaux de guerre et des chars.

LES INGENIEURS DU THEATRE: LES ŒUVRES DE GIACOMO TORELLI ET DE NICOLA SABBATTINI

Dans la lignée d'un Léonard de Vinci, les ingénieurs du théâtre sont à la fois artistes et scientifiques. Giacomo Torelli, venu de Venise à la cour de France pour mettre en scène Andromède en tant que scénographe, et Nicola Sabbattini, théoricien des machines dans toute l'Europe et auteur d'un ouvrage de base en deux volumes, sont encore aujourd'hui uniques par leur richesse d'idées et la diversité de leur création. Pour Andromède de Pierre Corneille, Torelli imagine une mise en scène des forces de la nature qui doit étonner les spectateurs: pour cela, des vents allégoriques sont présentés, qui amènent Andromède sur son lieu de sacrifice et qui font de son vol un événement audible. Les dessins documentent le travail préparatoire minutieux de Torelli.

Bruit du vent et allégorie d’Andromède

Signature de Giacomo Torelli.
Francesco Milesi: Giacomo Torelli. L’invenzione scenica nell’Europa barocca. Fano 2000, S. 31: Descrizione degli argnai dei teatri veneziani negli appunti di viaggio dell’architetto svedese.

Signature de Giacomo Torelli.

Francesco Milesi: Giacomo Torelli. L’invenzione scenica nell’Europa barocca. Fano 2000, S. 31: Descrizione degli argnai dei teatri veneziani negli appunti di viaggio dell’architetto svedese.

Dans Andromède, les vents portent de manière visible et audible la protagoniste jusqu'à sa pierre de sacrifice et la libèrent également dans l'acte suivant sur l'ordre de Persée:

Déjà avec Bellérophon, Giacomo Torelli avait conçu à Venise une scénographie qui prévoyait le vol du héros en diagonale vers le bas puis vers le haut, surprenant ainsi le public. Tout comme Persée, on voit sur la gravure de la scénographie qui nous est parvenue Bellérophon voler vers le bas sur le cheval ailé Pégase. Corneille reprend ensuite ce scénario pour sa pièce de théâtre.

Torelli Bellerophontes Perseus Seeungeheuer

Torelli: Scène pour Bellérophon, acte II/2, Venise 1642 (gravure de G. Giorgi (Cat. nº 5) [de: Bjurström: Giacomo Torelli, p. 64], est représentée une île déserte sur laquelle Bellérophon se bat contre la Chimère qui guette son adversaire au milieu de la scène.

LE CORPS EN MOUVEMENT DANS L’ANDROMEDE DE CORNEILLE

Dans Andromède, différentes divinités et héros sont déplacés dans toutes les directions à l'aide de machines: Vénus monte sur terre à l'aide d'une machine à nuages pour annoncer le mariage ; Andromède est enlevée par des vents (des allégories), emportée vers le haut puis vers le bas, puis sauvée par le même mouvement dans un voyage à rebours ; Persée combat et vainc le monstre pendant son vol sur Pégase ; Neptune s'approche sur la mer sur un coquillage tiré par des hippocampes ; enfin, Jupiter lui-même descend du ciel sur un trône doré. A la fin, tous montent ensemble au ciel: le mariage est imminent. Pour pouvoir effectuer les mouvements dans toutes les directions, on utilise des machines volantes dissimulables dont le fonctionnement élégant et harmonieux est essentiel:

Vols et machines à voler

Jean Bérain: Minerve sur son char, représentée de face, 44,1 x 29, 3 cm, projet pour <i>Méduse</i> (livret de Claude Boyer ; musique de Charles Hubert Gervais), tragédie en musique, créée à Paris, le 19 mai 1697, in: <i>Recueils des Menus Plaisirs du roi</i>, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV, nº MP-00205 ; CP/O/1/3239, nº 76
Jérôme de La Gorce, Féeries d'opéra, Décors, machines et costumes en France (1645–1765), Paris, 1997, p. 97 et 98, n° 90 et n° 91; Dans l'atelier des Menus Plaisirs du roi. Spectacles, fêtes et cérémonies aux XVIIe et XVIIIe siècles, par Jérôme de La Gorce et Pierre Jugie, Paris, Archives nationales-Versailles, Artlys, 2010, n° 79 (reproduit)

Jean Bérain: Minerve sur son char, représentée de face, 44,1 x 29, 3 cm, projet pour Méduse (livret de Claude Boyer ; musique de Charles Hubert Gervais), tragédie en musique, créée à Paris, le 19 mai 1697, in: Recueils des Menus Plaisirs du roi, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV, nº MP-00205 ; CP/O/1/3239, nº 76

Jérôme de La Gorce, Féeries d'opéra, Décors, machines et costumes en France (1645–1765), Paris, 1997, p. 97 et 98, n° 90 et n° 91; Dans l'atelier des Menus Plaisirs du roi. Spectacles, fêtes et cérémonies aux XVIIe et XVIIIe siècles, par Jérôme de La Gorce et Pierre Jugie, Paris, Archives nationales-Versailles, Artlys, 2010, n° 79 (reproduit).

La mer fait également partie des machines du théâtre, car l'eau peut être montrée en mouvement, donc agitée, et changer de couleur et de taille des vagues en fonction de l'humeur. Nicola Sabbattini conçoit à cet effet une installation à manivelle, dans laquelle des troncs de chêne taillés sont tournés de manière à faire apparaître un mouvement de la mer. Des poutres peintes avec des couronnes d'écume argentées perfectionnent l'illusion, suggérant par un mouvement circulaire un mouvement de haut en bas des vagues:

<i>Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre</i> par Nicola Sabbattini de Pesaro, anciennement architecte de son Altesse Sérénissime le Duc Francesco Maria della Rovere, dernier seigneur de Pesaro. Réimprimé augmenté du Livre second. Au très illustre et très révérend seigneur, Monseigneur Honorato Visconti, archevêque de Larissa de la Privince de Romagne et Président de l’exarchat de Ravenne, avec privilège. Ravenne 1638, S. 114 (Livre second, Chapitre 29).

Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre par Nicola Sabbattini de Pesaro, anciennement architecte de son Altesse Sérénissime le Duc Francesco Maria della Rovere, dernier seigneur de Pesaro. Réimprimé augmenté du Livre second. Au très illustre et très révérend seigneur, Monseigneur Honorato Visconti, archevêque de Larissa de la Privince de Romagne et Président de l’exarchat de Ravenne, avec privilège. Ravenne 1638, S. 114 (Livre second, Chapitre 29).

Pour Andromède, nous pouvons supposer que cette machine a été colorée en plus, à savoir en rouge, afin de pouvoir montrer au public le monstre marin d'abord en train de saigner, puis de mourir. Au plus tard lorsque la mer est rouge sang, les spectateurs comprennent que le monstre est mort. Au sujet de l'eau, on dit

Cymodocée (Néréide): «Du sang de notre monstre encore toutes teintes» (Andromède, acte III, scène 4)

Démons ex machina

Les mouvements ascendants et descendants sont volontiers réalisés avec des machines deus ex machina qui permettent de faire apparaître des démons - comme ici de Jean Bérain - depuis la trappe du sol.

Zeichnung aus der Werkstatt von Jean Bérain: Dämonen, die durch die Bodenklappe auf der Bühne erscheinen, 51 x 34,4 cm, in: Recueils des Menus Plaisirs du roi, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV; Inventarnr. MP-00550; CP/O/1/3242/A, 17.

Apparition du diable

Pour accentuer encore l'effet de l'apparition soudaine de personnages par des trappes dans le sol, les trous dans le sol sont habilement recouverts de décorations, tandis que les personnages eux-mêmes sont masqués et apparaissent sur fond de décors peints. Les décorations elles-mêmes peuvent être constituées de pierres semi-précieuses ou d'autres pierres lumineuses afin d'augmenter les effets de lumière de la machinerie motrice. L'objectif est de renforcer encore l'émerveillement du public.

Dessin de l'atelier de Jean Bérain: Démons apparaissant sur scène par la trappe du plancher, 51 x 34,4 cm, in: Recueils des Menus Plaisirs du roi, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV ; n° d'inventaire MP-00550 ; CP/O/1/3242/A, 17.

Pétrification - métamorphose:

Sabbattini décrit une pétrification en expliquant comment clouer sur la scène un tissu qui a été peint auparavant comme une pierre. En déplaçant lentement et habilement le tissu vers le haut ou vers le bas, il est possible de dissimuler ou de découvrir des personnes qui étaient auparavant cachées par la pierre (Nicola Sabbattini de Pesaro: Pratica di fabricar scene, e machine ne'teatri (1638) / Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre (1638)). Ce simple artifice permet d'obtenir des effets efficaces dans l'obscurité de l'espace scénique. Même si dans Andromède, les ennemis sont finalement pétrifiés, cela n'est pas montré sur scène dans la pièce de Corneille, mais présenté comme un rapport de messager. Il est certain qu'une machine supplémentaire pour le cinquième acte, au cours duquel se déroulent déjà plusieurs montées au ciel, n'aurait pas non plus été facile à concevoir.

<i>Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre</i> par Nicola Sabbattini de Pesaro, anciennement architecte de son Altesse Sérénissime le Duc Francesco Maria della Rovere, dernier seigneur de Pesaro. Réimprimé augmenté du Livre second. Au très illustre et très révérend seigneur, Monseigneur Honorato Visconti, archevêque de Larissa de la Privince de Romagne et Président de l’exarchat de Ravenne, avec privilège. Ravenne 1638, S. 109 (Livre second, Chapitre 25).

Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre par Nicola Sabbattini de Pesaro, anciennement architecte de son Altesse Sérénissime le Duc Francesco Maria della Rovere, dernier seigneur de Pesaro. Réimprimé augmenté du Livre second. Au très illustre et très révérend seigneur, Monseigneur Honorato Visconti, archevêque de Larissa de la Privince de Romagne et Président de l’exarchat de Ravenne, avec privilège. Ravenne 1638, S. 109 (Livre second, Chapitre 25).

Dragons

Les dragons font partie de l'inventaire du 'merveilleux' sur scène, ils émerveillent les spectateurs encore plus que les dieux. Ils peuvent être représentés nageant dans la mer ou volant dans le ciel. Leur corps peut bouger et leur bouche peut s'ouvrir ou se fermer rapidement pour attraper leur proie. Enfin, ces créatures ont la particularité d'être capables de voler. Il est ainsi possible de faire bouger les ailes verticalement. Cela est possible grâce à de simples ficelles, comme celles des marionnettes de la boîte à poupées d'Augsbourg. Toutefois, les dragons doivent être beaucoup plus grands et donc plus lourds pour que leur mouvement soit crédible ou même réel. Un vol à la corde, comme celui des dieux dans les nuages, était impensable pour le lourd appareillage d'un dragon. Bellérophon et Persée ne sont pas les seuls à devoir affronter et vaincre ces créatures impressionnantes.

Dragon Dragon Dragon

Dessin de l'atelier de Jean Bérain: Chimère (1705) de Bellérophon (livret de Thomas Corneille et de Bernard de Fontenelle ; musique de Lully), tragédie en musique créée à Paris le 31 janvier 1679, 50,5 x 34 cm, in: Recueils des Menus Plaisirs du roi, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV, nº d’inventaire: MP-00605 ; CP/O/1/3242/A ; 72.

Drache

Drache

John Babington: Dragon on the line, Pyrotechnic, 1635, in: Revue d’histoire du théâtre 2018-2.

La chimère est bien reconnaissable à sa tête de lion, son corps de chèvre et sa queue de dragon. Sur l'image centrale en haut et en haut à droite, on voit comment la chimère était déplacée, à savoir par un machiniste assis dans le corps de la créature, de sorte qu'il pouvait déplacer celles de la chimère avec ses jambes. La queue de l'animal bougeait à chaque mouvement, car elle était faite d'anneaux. Comme Persée, Bellérophon tue une créature dragon, ici la chimère, et dans les deux cas, le héros chevauche Pégase dans les airs pour remporter la victoire.

Giacomo Drache
Drache

Dessin de Jean Bérain pour un monstre censé représenter une scène infernale, 30,3 x 43,4 cm, in: Recueils des Menus Plaisirs du roi, Inventaire par Jérôme de La Gorce, Centre André Chastel, UMR 8150 CNRS, Université Paris IV ; n° d'inventaire MP-00087 ; CP/O/1/3238, 72.

Nicole Decugis et Suzanne Reymond, Le décor de théâtre en France du Moyen Age à 1925, Paris, 1953, p. 89; Deux siècles d'opéra français, Paris, Bibliothèque Nationale - Musée de l'Opéra, 1972, p. 51 ; François Lesure, L'opéra classique français, Genève, 1972, p. 56, pl. 38 (reproduit) ; Philippe Beaussant, Lully ou la musique du Soleil, Paris, 1992, p. 734, fig. 108 (reproduit).




Ballet de la nuit, scénographie d’Henri Gissey.
Ballet de la nuit, scénographie d’Henri Gissey.

Comme le montre la comparaison entre les différents éléments de la scénographie d'Andromède, le char du soleil du Prologue, la paroi rocheuse de l'Héroïne captive et le véhicule de Neptune sont repris pour la représentation du fameux Ballet de la nuit en 1653 et les machines sont réutilisées pour le premier acte avec Protée et les Néréides.

SPECTACTLE ET COSTUMES DE JEAN BERAIN

Le spectacle change lui aussi radicalement au XVIIᵉ siècle. L'influence de la commedia dell'arte acrobatique sur la comédie et l'intérêt pour les corps en mouvement dans le théâtre à machines font que même le spectacle ne peut plus être une simple déclamation. Si le théâtre veut créer des illusions, il ne peut pas présenter uniquement des dialogues sur scène. Les masques faciaux utilisés jusqu'alors sont remplacés par de somptueux costumes. Des déguisements coûteux et somptueux aident désormais à représenter l'essence de l'homme en la modifiant.

Alors que les pièces ultérieures, concurrentes de l'opéra, ainsi que les ballets, recourent volontiers à des personnages fabuleux, on trouve dans la tragédie Andromède des protagonistes mythologiques. Pour les reconnaître, il faut interpréter leurs symboles: Le trident est porté par Neptune et Pégase est ailé. Mais dans la pièce, les personnages sont toujours appelés par leur nom et ce qu'ils font est à nouveau rapporté, afin que les actions scéniques soient dans tous les cas correctement interprétées par le spectateur.

Les artistes les plus connus dans le domaine de la conception des costumes étaient Jacques Bellange et Jean Bérain. Nous ne savons pas qui a créé les costumes pour les représentations d'Andromède. Nous pouvons toutefois supposer que Neptune était conçu de manière comparable à celui de Bérain, qui porte le trident symbolique et est doté d'une couronne en tant que roi des mers.

Jean Bérain: Costume de Neptune pour les deux dernières scènces d’Acis et Galatée (1686), 38,5 x 28 cm, Chantilly, Musée Condé, 2013.0.27.
Jacques Bellange: Page au masque bleu, 1600-1606, Plume, Encre noire, 42,6 x 30,5 cm, Chantilly, musée Condé, DE 1145.

Jean Bérain: Costume de Neptune pour les deux dernières scènes d’Acis et Galatée (1686), 38,5 x 28 cm, Chantilly, Musée Condé, 2013.0.27.

Jacques Bellange: Page au masque bleu, 1600-1606, Plume, Encre noire, 42,6 x 30,5 cm, Chantilly, musée Condé, DE 1145.

Comme l'illustre le célèbre masque bleu de Bellange, on n'a pas non plus de scrupules à manipuler le feu et l'eau dans le théâtre de machines. Les nombreux ouvriers qui devaient également s'occuper de l'éclairage ont en outre pour mission d'assurer le feu et l'eau. Certes, dans Andromède, la mer n'était que peinte et on avait renoncé au feu. Les effets de lumière et de miroir étaient aussi importants que les costumes et les masques pour le théâtre à machines, comme plus tard pour Versailles. Sans ces appareils, la société de cour est pour nous inconcevable.